Le 14 Novembre 2019
FAIRE LE GILLES
ROBERT CANTARELLA
À 19H
Avec Robert Cantarella
et la participation de Cécile Fisera
Robert Cantarella « fait le Gilles » : assis sur une chaise, il refait les cours de Gilles Deleuze à l’université Paris VIII. Il interprètera le cours donné par Gilles Deleuze le 2 novembre 1982, Sur le cinéma : classification des signes du temps. Deleuze, dont la puissance de transmission passait par le sens et le son, joue de toutes les harmoniques pour penser à haute voix. La performance du comédien consiste à suivre le chemin vocal d’un cours. À partir des enregistrements sonores du philosophe, le comédien suit le parcours vocal de la pensée, retransmettant rythme et inflexions, hésitations et reprises, raclements de gorge et ratures sonores. La voix est dans ce cas un instrument d’interprétation et de combustion du sens entre le professeur et les étudiants. En reproduisant la situation supposée unique d’un cours hic et nunc, Faire le Gilles révèle ce que le langage parlé transporte comme sens au-delà des mots.
Pourquoi l’image et le mouvement
c’est la même chose ?
Deleuze, une expérience par la voix
Passer par la voix est un des accès aux sens et à la sensualité, incarnés de façon provisoire, passagère, pendant la durée réelle d’un échange de cours. La théâtralité est réduite à son minimum. Je suis assis, des oreillettes de petits formats me font entendre la voix de Deleuze, je redis ce que j’entends au plus près de la voix d’origine, en refaisant les inflexions, les suspens, et les interventions.
J’ai d’abord écouté, puis j’ai voulu le faire passer par un corps, le mien, pour repérer les effets physiques d’une copie sonore. Gille Deleuze, lui-même construit sa séance à partir d’un cours préparé et improvise au contact des étudiants. Le rythme, la fréquence, le battement des idées en train de constituer par la voix s’entend, et se ressent. Je ne copie pas les attitudes ou bien une manière d’être, au contraire le texte traverse le passeur qui le retransmet avec la réalité de son corps et du grain de sa voix, dans une proximité qui, elle, peut rappeler les regroupements des cours d’origine.
Je n’ai pas assisté à ces cours. J’ai, comme beaucoup, découvert d’abord l’écriture, puis la voix de Deleuze, dans ce sens-là. La voix, comme moyen de transport m’a souvent facilité la compréhension, je dirai justement la sensation d’une idée, et surtout du chemin de son développement. C’est en jouant avec sa voix que peu à peu je me suis pris à le dire, puis à en faire une copie exhaustive.
Mon métier de théâtre me fait souvent dire à un acteur « dis un peu pour voir » et particulièrement quand le sens paraît bouchonner. J’ai pensé aux exercices de copie si habituels en peinture, et j’ai entamé des ateliers de copie sonore. La pratique, comme en peinture, est jubilatoire pour celui qui fait, et pour celui qui reçoit.
Robert Cantarella
Voilà alors écoutez, je vais commencer.
Extraits de presse
En s’offrant à l’heure du thé la tête de Gilles Deleuze sur un plateau d’argent, Robert Cantarella partage avec nous une madeleine qui renvoie chaque spectateur à ses chères années d’études et aux souvenirs enfouis de plaisir mêlé d’excitation et d’ennui d’assister à un cours magistral. Plus qu’un spectacle, c’est une cure de jouvence que Robert Cantarella nous offre en faisant ainsi le Gilles avec tant d’humilité et d’humour pince-sans-rire.
Les Inrockuptibles - Patrick Sourd
Ce qui est très émouvant, c’est votre rythme de voix, votre musicalité de la langue de Deleuze que vous nous transmettez, il y a une pensée en train de se construire devant des gens vivants, c’est là qu’il y a conjonction entre théâtre et philosophie.
France Inter – Laure Adler
Je suis en face d’un faux professeur de philosophie, mais d’un vrai acteur, et moi qui suis-je ? une vraie spectatrice mais aussi une vraie étudiante mais dans un faux cours. J’admire cette démarche de gratuité de mise à disposition d’un texte philosophique. Le but est dans l’accessibilité pour tous de ce texte qui n’a pourtant a priori rien de théâtral. Et le plaisir d’entendre ce texte de Deleuze.
France Culture – Joëlle Gayot
Gilles Deleuze
Après des études de philosophie à la Sorbonne, Gilles Deleuze obtient l'agrégation en 1948. Il se consacre alors à l'histoire de la philosophie. Il est d’abord professeur de philosophie dans un lycée, puis il est nommé assistant à la Sorbonne en 1957, chargé de recherche au CNRS en 1960, avant de poursuivre une carrière de professeur dans les universités de Lyon et de Paris où il obtient le doctorat ès lettres (Différence et répétition).
Influencé par Spinoza, Nietzsche, Bergson et Leibniz, Gilles Deleuze apporte un regard neuf sur l'histoire de la philosophie et de la littérature. Il contribue avec Michel Foucault au rajeunissement de la philosophie universitaire. Collaborant à partir de 1969 avec le psychanalyste, philosophe et militant politique Félix Guattari, il aborde de manière critique tous les domaines du savoir, notamment la psychanalyse avec "L'Anti-Oedipe" en 1972, qui rencontre un succès considérable. Il crée avec Félix Guattari, le concept de déterritorialisation et, refusant le concept oedipien, réalise une critique conjointe de la psychanalyse et du capitalisme.
Considérant la rationalité comme génératrice de contrainte, Gilles Deleuze développe une philosophie de la vitalité et du désir. Il se révèle vite comme un créateur en philosophie, s'intéressant plus particulièrement aux rapports entre sens, non-sens et événement. Il écrit de nombreux ouvrages sur l'histoire de la philosophie, la littérature, le cinéma et la peinture notamment. Ses oeuvres ont un retentissement important dans le milieu universitaire dans les années 1970-1980. Sa pensée est parfois associée au post-structuralisme.
Victime d'une grave maladie respiratoire Gilles Deleuze se suicide à son domicile en novembre 1995.
Quelques ouvrages :
- Nietzsche et la philosophie (1962)
- La Philosophie critique de Kant (1963)
- Marcel Proust et les signes (1964)
- Le Bergsonisme (1966)
- Spinoza et le problème de l'expression (1968)
- Différence et répétition (1969)
- Logique du sens (1969)
- L'Anti-Odipe (avec Félix Guattari, 1972)
- Pourparlers (1972)
- Mille Plateaux (avec Félix Guattari, 1980)
- Spinoza. Philosophie pratique (1981)
- Francis Bacon, logique de la sensation (1981)
- Cinéma I. L'Image-Mouvement (1983)
- Cinéma 2. L'Image-Temps (1985)
- Le Pli (1988)
- Qu'est-ce que la philosophie ? (1991)
- Critique et clinique (1993)
ROBERT CANTARELLA
Il se forme aux Beaux-Arts de Marseille, sa ville natale puis suit l’enseignement d'Antoine Vitez à l'Ecole du Théâtre National de Chaillot. Il fonde en 1983, le Théâtre du Quai de la Gare, puis crée, en 1985, la Compagnie des Ours avec la volonté de faire découvrir ou redécouvrir les auteurs du XXe siècle. En 1987, c’est la création d'Inventaires de Philippe Minyana. La pièce connaît un succès immédiat – tournée dans plus de 50 villes en France et à l'étranger - et marque le début d'une amitié et d'un compagnonnage avec l’auteur, dont Robert Cantarella monte successivement Les Petits Aquariums (1989), Les Guerriers (1991), Drames Brefs 1 (1 996), Anne-Laure et les fantômes (1999), puis Pièces (2001). Ensemble, ils cosignent la mise en scène du Sang chaud de la terre de Christophe Huysman.
Entre 1989 et 2007, Robert Cantarella a mis en scène Le Voyage d'Henry Bernstein,
Divertissements touristiques de Noëlle Renaude, Sourire des mondes souterrains de Lars Nören, Le Siège de Numance de Cervantès au Festival d'Avignon, J'étais dans ma maison et j'attendais que la pluie vienne de Jean-Luc Lagarce, Sa Maison d'été de Jane Bowles, Oncle Vania de Tchekhov, Hamlet de William Shakespeare, Samedi, dimanche et lundi, d'Eduardo de Filippo, Les Apparences sont trompeuses de Thomas Bernhard, Werther de Jules Massenet, sa 1ère mise en scène d’opéra, Le Chemin de Damas, de August Strindberg et Hyppolite de Robert Garnier pour le Festival d’Avignon 2007.
Depuis 1993, Robert Cantarella exerce également une activité régulière de formation tant en France qu’à l’étranger notamment à Berlin, Cannes, Avignon, Rabat, Los Angeles. En 1997, Robert Cantarella collabore à la rédaction et à l'édition du manifeste « Pour une formation à la mise en scène », éditions Entre/Vues. En 1999, il crée « l'Association Théâtres Écritures » ayant pour objet la réalisation et la publication d'une revue intitulée Frictions, pour favoriser la réflexion et la recherche dans le domaine du spectacle.
Robert Cantarella est nommé directeur du Centre Dramatique National de Dijon en juillet 2000. Il y crée le festival Friction en mai, ayant pour vocation de montrer les formes nouvelles de l’écriture scénique. Il publie en 2004 sa première oeuvre de fiction : Le Chalet aux éditions Lignes dirigées par Michel Surya et réalise en 2005 son premier documentaire « carrosserie ». En 2006, pour la création de ça va de Philippe Minyana, il réalise « la route », film de fiction d’une heure. De décembre 2005 à mars 2010, il a été co-directeur du CENTQUATRE à Paris lieu de résidence d’artistes qu’ils ont sorti de terre pendant 4 ans. En 2012, il a créé la nouvelle pièce de Noëlle Renaude, La petite maison, a été présent à Avignon avec Faire le Gilles et une création d’un texte de Christophe Honoré Un jeune se tue. Inventaires de Philippe Minyana est repris en tournée avec les mêmes comédiennes, 25 ans après. Il écrit avec les auteurs Liliane Giraudon, Stéphane Bouquet, Noëlle Renaude et Nicolas Doutey et met en scène une série de représentations en deux saisons de 5 et 4 épisodes autour de la figure de Faust, intitulé NOTRE FAUST qui a remporté un grand succès en 2014 pour la réouverture de Théâtre Ouvert et à Nanterre Amandiers en 2017 pour la saison 2.